Johanna Clamaron

Lorsqu’en 2016 la question du sens s’est imposée à moi un beau matin, j’ignorais l’existence des travaux de Viktor Frankl sur la quête de sens et l’analyse existentielle.

Je les ai découverts des années plus tard au détour d’une conversation avec une amie revenant d’une retraite qui l’avait bouleversée, éclairée.

Viktor Frankl est un psychiatre autrichien. Il a survécu à une longue détention dans les camps de concentration nazis lors de la seconde guerre.

Lors de son arrestation, en pleine rédaction de thèse, son manuscrit lui fut confisqué par les SS et détruit. Dès lors, son objectif de survie était limpide : le réécrire.

Durant ces longues et terribles années, il n’eut de cesse d’observer son environnement, et d’accompagner ses co-détenus comme il le pouvait, à travers des discours dans leur baraquement, le soir quand il en trouvait la force, au sujet du sens et de leurs objectifs personnels de survie.

À sa libération, il fit ce qu’il avait prévu : réécrire ce manuscrit, enrichi par son expérience extrêmement difficile. C’est ainsi qu’il donna naissance à la logothérapie, la thérapie par le sens.

Pour reprendre ses mots, “si on la compare à la psychanalyse, la logothérapie est moins rétrospective et moins introspective. Elle s’intéresse plutôt à l’avenir, c’est-à-dire à la signification que le patient peut lui donner. En fait, la logothérapie est une psychothérapie fondée sur le sens de la vie.”

L’idée centrale de Viktor Frankl, selon laquelle la quête de sens est notre principale motivation, peut être appliquée de manière particulièrement éclairante à la sphère professionnelle.

Au-delà de son aspect économique ou utilitaire, le travail peut être perçu comme un moyen de mettre du sens dans notre quotidien.

Par exemple, lorsqu’une activité est perçue non seulement comme un moyen de subsistance, mais comme une manière de participer à une mission ou de contribuer à la société, elle devient une source potentielle de sens. Elle peut bien sûr ne pas nécessairement être liée à des professions dites « nobles » ou « altruistes ».

N’importe quelle tâche qui trouve une résonance personnelle, qui est en accord avec nos valeurs profondes et qui nous fait nous sentir en cohérence avec nous-même, et avec notre environnement, est pleine de sens.

Viktor Frankl souligne également l’importance de la responsabilité.

Selon lui, le travail prend tout son sens lorsqu’il est appréhendé comme une manière de répondre à des besoins spécifiques, et de remplir des obligations envers autrui, qu’il s’agisse de collègues, de clients ou encore de la société en général.

L’individualisme et la quête de performance nous isolent et nous déconnectent de la valeur intrinsèque, le sens, de notre travail.

Cela peut entraîner de multiples maux. Épuisement, démotivation, sentiment de vide, perte de l’estime de soi et autres. Après les grandes souffrances qui peuvent être vécues au travail, comme la violence et le harcèlement, et des conditions d‘exercice difficiles, la perte de sens est l’un des principaux facteurs de souffrance psychologique.

Pour contrer cela, (ré)introduisons la notion de sens dans le travail quotidien. (Ré)concilions les besoins du monde du travail avec nos aspirations profondes respectives.

Pour ce faire, plusieurs réflexions sont à mener parallèlement. Pour quelles raisons est-ce que je fais, ou veux faire, ce métier ? Qu’est ce que j’attends de ce travail ?

Le travail, qui peut être vu comme simple obligation ou contrainte, peut aussi être un vecteur puissant de sens, si nous choisissons de l’envisager sous l’angle de la contribution, de la responsabilité ou de la quête personnelle.

Trouver du sens dans son travail n’est pas un luxe, mais une nécessité pour préserver notre équilibre psychologique et notre bien-être.

“La capacité à donner un sens à nos actions reste notre liberté la plus précieuse”

Viktor Frankl

Sources : Man’s search for meaning, 1959, Viktor Frankl. Traduit en français : Découvrir un sens à sa vie.